Je casse l’ambiance, apparemment. Comme beaucoup de femmes, je reçois de nombreuses confidences, d’états d’âme de mes amies, de mon entourage plus ou moins proche, mais aussi beaucoup de mes patientes. Nombreuses sont celles qui déplorent une situation trop compliquée, se plaignent de ressentis mal compris par l’entourage, de ruminations écrasantes, de solution introuvable. Elles me parlent alors d’une relation trop conflictuelle, d’un lien écrasé par la colère ou d’une personne décidemment incapable de comprendre quoi que ce soit. Assez rapidement, par habitude peut-être, mais aussi à cause de mon obsession assumée pour la parole, l’échange et le parler vrai, je demande simplement « mais tu lui as dit ? », comme si je voulais, par acquis de conscience, vérifier l’évidence. Surprise, qui n’en n’est plus vraiment une à présent, la réponse est presque systématiquement, « Non ».
« Non, c’est compliqué avec lui de parler tu sais » ; « Pas vraiment, en fait j’ai même pas essayé parce qu’on n’a jamais vraiment parlé » ; « Mais non mais ça servirait à rien de parler ça fait tellement longtemps » ; « Ça sert à rien de parler avec lui ».
Misère ! Le fond de commerce de tout psychologue, la parole qui délivre, est en train de s’éteindre. Pour certaines, je sens que je viens soulever un problème de fond, un questionnement récurrent, qui mérite d’être travaillé et mis en sens. Pour d’autres, ma question surprend, elle soulève et indigne même parfois, comme si, démodée, j’osais demander si les gens d’aujourd’hui se parlent encore. Mais oui, les femmes et les hommes d’aujourd’hui doivent encore se parler et s’y hâter. Depuis toutes ces années, nous savons pourtant que la parole libère, qu’elle guérit même, mais les résistances sont encore très vives. Tous, le savent, que « par principe », c’est mieux de parler mais nombreux sont ceux qui expérimentent aussi que « en réalité », c’est bien plus difficile. Bien-sûr, c’est difficile, la parole est exigeante, elle demande un travail quotidien, beaucoup de courage, un saut dans le vide, une certaine confiance en soi, en l’autre. Mais notre désir de paix, notre histoire parfois lourde ou nos émois plus légers mais non moins insignifiants méritent d’être exprimés, compris, reçus et accueillis. Ne cédez pas à la tiédeur des non parleurs, à l’angoisse de perdre l’amour et à la froideur d’une relation non parlée.
Pour votre histoire, parlez. Pour mettre du sens, parlez. Pour expliquer, parlez. Pour faire la paix, parlez.
Comments