Une fois débarrassée de ses parents, confinés en salle d’attente, elle peut enfin me raconter. Comment ça s’est passé, pourquoi elle est tombée là-dessus, la honte de le dire à ses parents. Elle me raconte toutes ces images, rapides mais marquantes, de ces « gens qui font l’amour un peu bizarrement ». Pour vite comprendre qu’il s’agissait bien d’une vidéo pornographique.
Je suis désolée. Tellement désolée. Je pourrais lui dire tout ce que je dis habituellement, ce que j’écris et diffuse. Que la pornographie est surtout une industrie, qui n’existe que pour gagner de l’argent, qui paie des acteurs qui se mettent en scène selon les idées d’un réalisateur en quête d’audience. Je pourrais surtout ajouter qu’il ne s’agit pas d’une vraie relation… Mais j’ai plutôt envie de lui parler d’amour.
« Je suis vraiment désolée que tu aies vu ces images-là. Ça a dû te faire peur, non ? » Quelle intuition surprenante, de lui demander si elle avait eu peur !
« Bah oui, j’ai un peu peur que ça se passe comme ça un jour avec moi. Qu’on ne fasse pas attention à moi. Si c’est ça l’amour, je comprends que tous les parents se séparent ».
Je suis en colère que quelqu’un ait osé diffuser cette vision dans la tête de cette toute petite, en face de moi. Fâchée qu’elle puisse s’en faire cette idée. Toutes ces « choses bizarres », ces informations douteuses reçues par ces yeux curieux sont fausses. Je dois le lui dire.
« Tu as raison de te poser ces questions-là. Mais une chose est sûre : dans la vraie vie qui va venir, les choses seront différentes. Tu vivras ces moments parce que tu rencontreras une personne que tu auras envie d’aimer, avec qui tu auras envie de rire, de parler, de raconter. Et que tu auras envie d’embrasser, de caresser, d’enlacer, jusqu’à te laisser-aller. »
Je te souhaite, de ne rencontrer que des personnes qui prendront soin de toi, t’écouteront, te dévoreront du regard et te demanderont de t’embrasser. Je ne veux pour toi que de belles rencontres, d’un plaisir qui donne et non qui prend, des moment partagés, des ratés, des déceptions, des doutes, des échanges. Parce que la vie, c’est ça. Et ce que tu as vu, ce n’est pas la vie.
Comments